EA-1941, la première fusée à ergol liquide française
Mise à jour : 24/02/1999

15/11/1941 -- France

Le colonel Barré procède, au camp du Larzac, à un essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

C'est un succès mais l'engin explose après quarante-deux secondes de combustion.

Au départ il était prévu que la durée de l'essai serait de dix-huit secondes.

La première fusée à liquide française prend le nom de EA-1941.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

Initiation à la force de frappe française (1945-2010), M. Theleri, Stock, 2-234-04700-5, 1997

17/03/1942 -- France

Une allocation de 200000 francs supplémentaire est accordée à la poursuite des travaux du colonel Barré.

Le même jour il procède, au camp du Larzac, à un deuxième essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

Cette version est légèrement modifiée elle portera le nom de EA-1941-B.

Le moteur développe une poussée de sept cent dix-neuf kilogrammes force mais l'engin explose après cinq secondes de combustion.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

Jean-Jacques Barré présente
le moteur de la fusée EA-1941

18/03/1942 -- France

Le colonel Barré procède, au camp du Larzac, à un troisième essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

Le moteur développe une poussée de six cents cinquante kilogrammes force mais l'engin explose après quatre secondes de combustion.

Les déchecs des deux dernier essais sont imputés à l'organisation même du banc d'essai, le jet propulsif faisant trop chauffer la structure de l'engin.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

06/07/1942 -- France

Le colonel Barré procède, dans l'ouvrage de Vancia, à un quatrième essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

Le moteur développe une poussée de six cent huit kilogrammes force pendant 0,6 seconde.

Les échecs des deux derniers essais effectués au camp du Larzac les dix-sept et dix-huit mars étant imputés à l'organisation même du banc d'essai.

Il est alors décidé de poursuivre les essais dans un autre lieu. Le nouveau point fixe est installé dans l'ouvrage de Vancia, qui est situé la banlieue lyonnaise.

Il est plus dégagé permettant donc au jet propulsif de moins chauffer la structure de l'engin. Rappelons qu'à cette époque le Larzac et l'ouvrage de Vancia sont situés en zone libre.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

23/07/1942 -- France

Le colonel Barré procède, dans l'ouvrage de Vancia, à un cinquième essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

Cet essai n'est pas significatif.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

12/08/1942 -- France

Le colonel Barré procède, dans l'ouvrage de Vancia, à un sixième essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

Le moteur développe une poussée de huit cents soixante kilogrammes force pendant 2.8 secondes.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

24/09/1942 -- France

Le colonel Barré procède, dans l'ouvrage de Vancia, à un septième essai statique au banc d'une fusée sol-air alimentée en ergol.

Le moteur développe une poussée de 654.5 kilogrammes force pendant 10.9 secondes, c'est un succès complet.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

03/10/1942 -- France - Algérie

Après ces sept essais au banc et plus particulièrement après le dernier essai réussi, l'équipe de Barré décide d'effectuer des essais en vol.

Pour des raisons évidentes de discrétion les essais ne peuvent se dérouler en France métropolitaine.

Le choix se porte alors sur l'Algérie où la France dispose de vastes territoires.

Une mission est donc effectuée par Barré à Beni-Ounif dans le sud oranais du 3 au 16 octobre 1942.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

03/09/1944 -- France

Alors que la libération de la France commencée en 1944 se poursuit par la libération de Lyon.

le trois Septembre 1944, les essais en vol de la fusée EA 1941 sont à nouveau envisagés.

Le matériel de l'équipe de Barré est rapidement rassemblé.

Il est décidé que les premiers tirs auront lieu à la Renardière, dans la presqu'île de Saint-Mandrier qui ferme la rade de Toulon.

La rampe de lancement est aussitôt mise en confection et une reconnaissance est effectuée à Toulon pour prendre liaison avec la Marine et organiser les premiers tirs.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

Le Monde dossiers et documents, L'Histoire au jour le jour,Tome 1, 1944-1954 les années froides, ISSN 0153-419 X, 1985

15/03/1945 -- France

Après maints incidents, le premier tir de la fusée EA 1941 a lieu le quinze mars 1945.

La fusée EA 1941 a été conçu pour emporter une charge tile de 25 kilogrammes à 100 kilomètres.

Elle fonctionne à l'oxygène liquide, son moteur a une poussée voisine d'une tonne-force.

La Marine a fait un effort considérable pour jalonner la ligne de tir : deux hydravions, deux destroyers d'escorte et huit chasseurs et vedettes.

L'engin franchit rapidement la rampe, mais il se met rapidement à "précessionner" et explose après cinq secondes de course.

Une vedette de la Marine recueille plusieurs fragments qui flottent, dont la bouteille d'azote.

La cause de l'explosion ne fut jamais bien établie.

Elle peut être attribuée à la précession, cette dernière ayant pu être provoquée par la perte possible d'un aileron de l'empennage.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

Jacques Villain, L'aventure millénaire des fusées, Explora - Presses Pocket, N° 3620, ISBN 2-266-0524-X, 1993

La fusée EA 1941.

16/03/1945 -- France

Deux engins EA 1941 doivent être tirés le seize Mars 1945, mais un seul est mis à feu.

Pour une cause indéterminée, la télévalve ne s'ouvre pas et la combustion a lieu sans pression.

L'engin, reste au bas de la rampe.

Il explose au bout d'une dizaine de secondes, rendant la glissière inutilisable pour le tir du deuxième engin.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

La fusée EA 1941.

06/07/1945 -- France

À nouveau, les circonstances retardent les opérations la "monnaie matière" est rare et délivrée au compte-goutte, des affectations diverses dissocient en partie l'équipe de Barré, et le montage des engins restants est confié à la Société pour l'Application Générale de l'Electricité et de la Mécanique (SAGEM) à Argenteuil.

Mr. Pinard, le forgeron-soudeur est d'ailleurs détaché à cette société.

Finalement, le tir n'a lieu que le six juillet 1945, toujours à la Renardière, la rarnpe de lancement ayant été remise en état.

La Marine de Toulon a bien voulu mettre à la disposition des expérimentateurs un hydravion, un escorteur et deux vedettes de port.

Trois engins furent tirés ce jour-là.

- Le premier, animé d'une vitesse insuffisante au sortir de la rampe, par défaut manifeste de pression, est couché par une rafale et tombe en mer, combustion achevée, à une dizaine de kilomètres de la Renardière.

- Le second, au contraire, animé d'une vitesse excessive, explose 1,2 secondes après avoir franchi la rampe.

- En raison des retards accumulés au cours des tirs précédents, le troisième engin n'est tiré qu'à 19h 45mn alors que la flottille d'observation est déjà sur le chemin du retour.

Après un très bon départ, la combustion prend fin au bout de 7.5 secondes au lieu des 13 prévues, ce qui semble imputable à un excès de pression.

l'engin peut être suivi jusqu'à l'horizon (distant de trente-quatre kilomètres de la rampe de lancement) et certains observateurs affirment l'avoir vu disparaître derrière la ligne d'horizon.

La lecture des films permit ultérieurement d'évaluer à 1400 mètres par secondes environ la vitesse de l'engin en fin de combustion son coefficient balistique étant mal déterminé, on n'a pu qu'évaluer grossièrement la portée qui a dû être de l'ordre de 60 kilomètres.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

La fusée EA 1941.

22/08/1945 -- France

Un marché est passé avec la société Société pour l'Application Générale de l'Electricité et de la Mécanique (SAGEM) pour réaliser un prototype d'un engin plus puissant que la fusée EA-1941 qui doit pouvoir transporter une charge de 300 kilogrammes à une distance de l'ordre de 500 à 1000 kilomètres.

Cet engin d'abord appelé EA 1946 prend rapidement le nom d'Eole (Engin fonctionnant à l'Oxygène Liquide et à l'Ether de pétrole).

Eole est en fait une réplique à échelle accrue de EA 1941.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993

18/07/1946 -- France

Les mois qui suivent les essais du six juillet 1945 de la EA-1941, sont consacrés en particulier à des études sur un manodétendeur à pression-pilote et divers dispositifs de régulateur de consommation.

Ces études s'exécutent à la Société pour l'Application Générale de l'Electricité et de la Mécanique (SAGEM), un contrat ayant été passé avec cette société par la Direction des Etudes et Fabrications d'Armement (DEFA) à la demande de la Section Technique de l'Armée (STA).

Un petit point fixe zénithal est également monté à Satory, sur l'emplacement de l'ancien point fixe REP (Robert Esnault-Pelterie) qui avait été démantelé durant l'occupation.

Il s'avère très difficile de coordonner l'arrivé des deux liquides dans le foyer qui est noyé par celui qui arrive le premier.

Le professeur Roccard fait étudier dans son laboratoire un émetteur "Mesny" devant servir à une localisation balistique de l'engin cela conduit à étudier une ogive en deux parties isolées électriquement.

Un dernier tir de deux fusées à lieu à Toulon le dix-huit juillet 1946; il se solde par un échec complet, les deux engins brûlant en bas de la rampe sans pression ni poussée.

La rampe ayant été détériorée, un troisième engin ne peut être tiré.

Essayé quelque temps après au point fixe du Mont-Valérien, il fonctionnera parfaitement.

La cause de ces incidents ne fut découverte que près d'une année après au cours d'un essai en atelier, une écaille détachée de la paroi interne de la bouteille en alliage léger étant venue obturer presque complètement l'orifice de sortie situé au bas de la bouteille, les "chuintements" et "miaulements", analogues à ceux entendus à Toulon, sont nettement perçus un examen endoscopique des bouteilles montre, d'ailleurs, que les parois internes de la plupart d'entre elles sont parsemées d'écailles prêtes à tomber.

Cet échec a des conséquences psychologiques déplorables à une époque où l'on n'est pas encore habitué au pourcentage élevé des incidents propres à ce genre d'engin.

Un essai de modification de l'EA-1941 conduit à un projet d'engin "ONM" (Office National Météorologique).

Après quelques essais au point fixe du Mont-Valérien, essais décevants quoique riches d'enseignements, ce projet fut abandonné, les efforts s'étant concentrés sur l'engin "Eole" depuis plusieurs mois déjà.

Jacques Villain, Jean-Jacques Barré pionnier français des fusées et de l'astronautique, SEP, 1993